Anne-Gaëlle Chanon

Je suis née dans un atelier, au milieu des machines à bois, de seaux remplis de plomb, de fers à souder et de meubles gigantesques couverts de pots de fleurs multicolores sculptés, d’anges et de drôles de claviers.

Ҫa sentait la colle bouillante, le métal fondu, la sciure et ça grondait comme le tonnerre. C’était presque l’atelier d’un alchimiste, celui qui donnait vie à une forêt musicale, flûtée, tonnante, souvent poétique et dorée comme le chêne. J’ai appris à connaître les machines à vent, à comprendre comment le souffle porte le son et cette oreille si fine qu’il faut pour ajuster des milliers de hauteurs et de couleurs.

J’observais la magie du métal inerte se transformant en violons, en flûtes, en trompettes, en cromornes ou en cymbales : c’était spectaculaire et pour moi l’entrée royale dans le fabuleux monde de l’orgue. 

Je suis devenue femme-orchestre, un peu danseuse, un peu acrobate, voyageant sans cesse dans le temps et l’espace, à la découverte d’instruments toujours plus fascinants. J’ai rencontré partout des gens merveilleux et inspirants. Dans ces églises aux lumières tantôt diaphanes, tantôt incandescentes, j’ai voulu leur raconter toute la poésie d’un répertoire multicentenaire. Je me suis amusée à croiser les mondes contemporains et anciens, y mêlant parfois la voix et même des histoires pour les petits et grands enfants. 

On m’appelle “Organiste” et je peux vous dire que c’est un métier exigeant : ruser pour créer un spectacle chaleureux et vivant alors même que le vivant se cache dans une grande armoire. Agir en médiatrice et transporter les cœurs avec le plus intransportable des instruments. Transmettre, encore et toujours, dans un langage actuel, les sonorités de vieux grimoires, incroyables tablatures et monuments de la création humaine. Et surtout, donner l’envie d’une prochaine fois, d’un autre concert, d’une autre visite ou de jouer soi-même. 

Aujourd’hui, plus que jamais, l’orgue est pour moi synonyme d’ouverture, de lien avec les nouveaux publics, les enfants, les acteurs locaux, les mélomanes et les amoureux du patrimoine : alors, agissons ensemble pour créer ces rencontres, nourrir l’amour de la musique et le rêve autour de ces merveilleux instruments qui appartiennent à tous. Profitons des concerts d’orgue pour en inventer de nouvelles formes et pour partager les moments créatifs, heureux et humains dont nos sociétés ont tant besoin. L’orgue interroge, fascine, soulève… c’est peut-être pour cela qu’il a choisi la meilleure place dans les airs? 

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Plume l’ours polaire